Animations sur ordinateur de phénomènes chimiques à l'échelle moléculaire
Chemists' Guide to Effective Teaching, Volume II, Norbert J. Pienta, Melanie M. Cooper & Thomas J. Greenbowe, Prentice Hall, 2008, ISBN 9780321611956 - Chapter 14: Computer Animations of Chemical Processes at the Molecular Level (Résumé de S.P., 2013-2014)
Depuis peu, les animations par ordinateur sont de plus en plus utilisées dans les classes de chimie pour expliquer des processus chimiques au niveau moléculaire. Cependant, de nombreux professeurs de chimie se posent beaucoup de questions sur cette nouvelle façon d’enseigner la chimie comme savoir ce que sont les animations par ordinateur, pourquoi, comment et quand les utiliser, leur utilité, leur inefficacité et où les trouver. Cet article répond à ces différentes questions.
Une animation par ordinateur est un film qui est fait à partir d'une série de dessins, d’infographies ou de photos d'objets inanimés et qui simule le mouvement par de légers changements progressifs de chaque image. Il doit y avoir une véritable synchronisation entre les mouvements et les sons de chaque image. La simulation est créée et souvent montrée par un ordinateur.
Les animations par ordinateur sont utilisées pour aider les élèves à comprendre les mouvements et les interactions des atomes, des molécules et des ions et donc à mieux apprendre la chimie. Elles les aident à développer leur compréhension des concepts au niveau moléculaire des processus chimiques qui sont sous-jacents aux calculs mathématiques plus généralement utilisés dans les cours de chimie. Des études ont montré que l’utilisation d’animation par ordinateur peut améliorer la capacité des étudiants à répondre à des questions sur des concepts moléculaires.
Il y a deux théories qui expliquent pourquoi une animation par ordinateur aide les élèves à mieux comprendre.
- La théorie de Paivio (1986) distingue la compréhension avec les mots (représentation verbale) de celle avec les images statiques (représentation mentale imagée). Ces deux méthodes de codage sont indépendantes et additives mais les apprenants retiennent 2 fois mieux avec les images qu’avec les mots. L’hypothèse est que les apprenants traduisent spontanément les mots en images.
- La théorie de Mayer (2001) (multimedia learning) explique que le traitement de l’information se fait via 2 canaux avec des capacités de traitement limitées : l’homme peut seulement traiter une certaine quantité d’information à la fois dans chaque canal et si la limite est dépassée, l’apprentissage est ralenti ou stoppé. Le canal est basé soit sur les sens de l’apprenant (vue / ouïe)(modèle de Braddeley) soit sur le mode de présentation (verbal / imagé)(modèle de Paivio). Mayer a établi 7 principes à respecter pour les animations par ordinateur : Le principe du multimedia (on apprend mieux à partir de la narration et des images plutôt qu’à partir de la narration uniquement (Paivio)), le principe de la contiguïté spatiale (on apprend mieux quand la narration et les images sont présents l’un à côté de l’autre plutôt qu’éloignés), le principe de la contiguïté temporelle (on apprend mieux quand la narration et les images sont présents simultanément plutôt que successivement dans le temps), le principe de cohérence (on apprend mieux quand la matière externe est exclue plutôt qu’inclue dans l’animation), le principe de modalité (on apprend mieux à partir d’animation et de narration plutôt qu’à partir d’animation et de texte écrit), le principe de redondance (on apprend mieux à partir d’animation et de narration plutôt qu’à partir d’animation, de narration et de texte écrit (surcharge d’un des canaux)) et le principe des différences individuelles (les effets de design sont mieux perçus par les étudiants moins doués et ayant une bonne vue dans l’espace plutôt que par les étudiants plus doués et ayant une faible vue dans l’espace).
Il existe 2 modèles qui expliquent l’utilité des animations par ordinateur :
- Le modèle de Piaget explique que les animations par ordinateur contribuent au développement intellectuel des élèves en permettant de visualiser des objets abstraits qu'ils ne peuvent pas voir directement. De cette façon, les animations par ordinateurs peuvent améliorer leur réflexion au niveau moléculaire.
- Le modèle de Johnstone explique que les trois représentations de la matière (symbolique, macroscopique et microscopique) doivent être toutes les 3 utilisées pour décrire un même processus chimique et que la représentation microscopique est décrite par les animations par ordinateurs. Un exemple sur la précipitation du chlorure d’argent est décrit avec les 3 représentations de la matière.
Les animations par ordinateur peuvent utiliser des images en 2 dimensions ou 3 dimensions. Cependant, chacune a ses avantages et ses inconvénients. Les avantages des animations par ordinateur utilisant des images en 2 dimensions sont qu’elles montrent une représentation plus simplifiée des entités chimiques et elles respectent ainsi le principe de cohérence de Mayer. De ce fait, elles permettent de mettre mieux en évidence la présence de la stœchiométrie de la réaction et des ions spectateurs ainsi que les charges positives et négatives des ions. Elles permettent une représentation plus correcte de la taille relative des différents ions. Les avantages des animations par ordinateur utilisant des images en 3 dimensions sont qu’elles sont plus réalistes puisque la distance entre les ions est bien représentée et elles représentent ainsi plus correctement les concepts complexes. D’ailleurs, dans la précipitation, elles ajoutent la présence des nombreuses molécules d’eau afin de montrer leur rôle. Elles montrent également le mouvement des ions au sein d’un cristal. Les animations en 2 dimensions et en 3 dimensions doivent donc être toutes les deux utilisées en montrant d’abord l’animation en 2 dimensions et ensuite augmenter la complexité avec les images en 3 dimensions.
Plusieurs études prouvent que les animations par ordinateur améliorent l’apprentissage des étudiants (réponses plus correctes au niveau moléculaire, explications avec moins d’anthropomorphisme). Que ce soit lorsqu’elles comparent les mêmes élèves ayant reçu aucun apprentissage (pre-test) et ayant reçu un apprentissage avec animations par ordinateur (post-test) ou quand elles comparent 2 groupes d’élèves ayant reçu un enseignement traditionnel ou un enseignement avec des animations par ordinateur ou encore lorsqu’elles comparent 2 groupes d’élèves ayant reçu un enseignement avec des images statiques ou un enseignement avec des animations par ordinateur, toutes ces études démontrent que les animations par ordinateur sont nécessaires à l’apprentissage. Une autre étude a aussi démontré, en comparant 2 groupes d’élèves ayant reçu un enseignement avec des animations par ordinateur en quantité différente, qu’une seule animation par ordinateur est suffisante.
Dans cet article, les auteurs discutent de l’animation par ordinateur expliquant l’expérience du can-crushing. Cette expérience consiste à écraser une canette sans la toucher. Pour cela, l’expérimentateur ajoute un fond d’eau dans la canette qu’il porte à ébullition. Ensuite, il doit retourner la canette sur de la glace et la canette s’écrase. Les chercheurs ont demandé d’expliquer ce phénomène à un niveau moléculaire à un groupe d’élève qui a vu au préalable une animation par ordinateur et à un autre groupe d’élèves qui n’a pas vu cette animation mais qui a vu des images statiques au tableau. L’animation par ordinateur montre que les molécules d’eau quittent la phase liquide dans le fond de la canette et entrent dans la phase gazeuse de la canette emportant avec elles la plupart des molécules de diazote et de dioxygène en dehors de la canette. Quand la canette est retournée et refroidie, les molécules d’eau gazeuses commencent à se mouvoir plus lentement jusqu’à ce qu’elles condensent en goutte d’eau donc en phase liquide. Ensuite, la canette est écrasée par le déséquilibre entre les collisions moléculaires à l’intérieur et à l’extérieur de la canette. Autrement dit, la diminution de la pression à l’intérieur de la canette ne peut plus contrebalancer les collisions des molécules d’air sur l’extérieur de la canette menant ainsi à l’écrasement de la canette. Les élèves qui ont vu cette animation par ordinateur ont une compréhension plus complète au niveau microscopique et font un meilleur lien avec le niveau macroscopique et symbolique.
(cf. cette vidéo)
Malgré la preuve de l’efficacité des animations par ordinateur, certaines études montrent quand même que les animations par ordinateur sont sans effet si le groupe contrôle a observé plusieurs images statiques tout au long du cours. Elles ont même des fois un effet négatif en faisant naître de nouvelles fausses conceptions ou lorsque les élèves interprètent mal les images au niveau moléculaire.
Les animations par ordinateur doivent donc être incorporées dans les cours seulement lorsqu’elles sont adéquates avec la tâche d'apprentissage (visualisation, mouvement, trajectoire). Dans le cas contraire, elles ne sont là que pour distraire les étudiants qui répondent alors moins bien aux questions verbales. Les sujets de chimie qui requièrent des animations par ordinateurs sont la classification de la matière (état de la matière, composés-éléments, substances pur-mélange hétérogène/mélange homogène), la théorie VSEPR et l’état des solutions avant et après les réactions chimiques (réaction acide-base et tampon, électrochimie, équilibre, loi des gaz, cinétique et mécanisme, réaction de miscibilité, réaction de précipitation).
Les animations par ordinateur peuvent être trouvées sur les CD accompagnant les livres de chimie ou sur des sites internet (d’après les auteurs) :
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