Comment introduire la notion d’aromaticité chimique ?

Discovering Chemical Aromaticity Using Fragrant Plants, T.L. Schneider, J.Chem.Educ. 2010, 87(8), 793-795. Résumé de D.F., 2010-2011

Le but de cette activité est d’étudier la notion d’aromaticité chimique. Pour ce faire, le professeur a voulu mettre en place une situation permettant de relier la chimie organique à la vie quotidienne. Le challenge demandé aux étudiants est de choisir une plante odorante et d’identifier la molécule responsable de l’arôme de celle-ci. Une fois la molécule identifiée, ils doivent déterminer si cette dernière est aromatique ou pas selon la définition chimique donnée préalablement au cours.

L’étude de composés aromatiques est un moment propice pour apprendre de nouvelles notions chimiques. En effet, lorsque l’on demande aux étudiants: « qu’est ce qu’une molécule aromatique ? ». Pour la plupart d’entre eux, une molécule aromatique possède une odeur. Les étudiants sont donc déjà familiers et à l’aise avec la définition conventionnelle de composés aromatiques en se référant donc à la définition historique. C’est ensuite au professeur de donner une définition chimique de l’aromaticité. Il peut en profiter pour donner quelques détails historiques sur l’évolution de ce terme.

Anciennement, le terme aromatique était donné aux molécules possédant une odeur, un arome ou un parfum. L’exemple est celui de certains dérivés du benzène, ceux-ci étant odorant, ces molécules ont été appelées aromatiques. Cette désignation a été donnée jusque 1820, avant que les structures de certaines molécules soient découvertes. Ce fut Kekulé qui, le premier, reconnut, il y a plus de cent ans, une analogie entre diverses substances extraites d'huiles naturelles : l'aldéhyde benzoïque, le toluène, l'acide benzoïque, l'alcool benzylique auxquels vinrent bientôt s'ajouter le benzène, le phénol, l'aniline, l'acide salicylique et le cumène. Ces molécules possèdent toutes, en effet, un système insaturé contenant six atomes de carbone qui résistent aux transformations et aux dégradations chimiques, à condition qu'elles ne soient pas trop brutales. C’est comme cela que par la suite, vint la définition d’aromaticité chimique.

En chimie organique, un composé aromatique est un composé chimique qui contient un système cyclique respectant la règle d'aromaticité de Hückel1). Un exemple classique est celui des cycles du type du benzène. La représentation de ce système est un cycle hexagonal avec trois doubles liaisons alternées avec trois liaisons simples. Les six liaisons sont d'une longueur identique et sont situées entre la simple et la double liaison.

L’intrigue posée aux étudiants est: « Est-ce que toutes les molécules odorantes sont chimiquement aromatiques ? » Les élèves ont donc pour but d’identifier des molécules odorantes existantes et de déterminer si elles sont aromatiques ou non.

Quel est le point de départ ? Comment choisir les plantes ? Différentes approches peuvent être envisagées :

  • Premièrement, si l’école possède un département d’horticulture, les étudiants peuvent utiliser les collections de plantes issues du conservatoire pour leur découverte. Parmi l’ensemble des plantes florales, fruitières ou à base d’herbes, ils doivent identifier une plante odorante les intéressant.
  • Deuxièmement, supposons que l’on n’ait pas d’accès direct à l’école à une collection de plantes, les étudiants peuvent partir d’une herbe odorante favorite, plante fruitière ou épice et rechercher la molécule responsable de cet arôme. Il peut être intéressant d’attirer l’attention des étudiants sur le nom systématique des plantes, celui-ci indiquant l’arôme. (Exemple : Rus aromatica (sumac aromatique) ou Lathyrus odoratus (pois de senteur)).
  • Troisièmement, les plantes et les herbes peuvent également être apportées en classe pour susciter l’intérêt des élèves dans leur projet. Néanmoins, cette alternative peut influencer leur choix et réduire le nombre de molécules considérées.

L’étape suivante est de rechercher et d’identifier la molécule responsable de l’odeur de la plante choisie. Enfin, la dernière étape est de définir si sa structure est chimiquement aromatique ou non en se basant sur la définition décrite précédemment par le professeur.

Les étudiants doivent remettre leur travail de recherche selon un canevas préétabli (voir figure 1 de l'article) pour respecter une uniformité. Ce canevas peut être réalisé en parallèle dans un cours d’informatique. Ces résultats sont envoyés électroniquement au professeur. Il est également intéressant de demander à chaque élève d’envoyer un feedback de cette activité.

De son coté, le professeur réalise une présentation avec l’ensemble des différentes observations incluant le nombre total de molécules caractérisées, le pourcentage de molécules qui sont chimiquement aromatiques ainsi qu’un échantillon des molécules odorantes les plus connues aromatiques et non aromatiques.

Dans une petite classe, les étudiants peuvent être interrogés pour présenter leurs découvertes et leur évaluation sur l’aromaticité. Comme présenté à la figure 2 de l'article, l’évaluation est assez simple et la recherche sur le web est acceptable tant que l’ensemble des sites Web sont référenciés. Les étudiants doivent rechercher le nom de la source (botanique), la structure et le nom de la molécule responsable de l’arome de la plante, l’argumentation de l’aromaticité ou non de la structure et les références. L’inclusion d’une photo de la plante ainsi que les informations supplémentaires (en italique) sont optionnelles mais représentent un plus.

Dans le cadre de cet article, ce cours était optionnel et comptait pour 1.5 % de leur crédit. Sur 107 étudiants, 89 ont joué le jeu et ont été positifs sur le feedback. La plupart ont aimé relier cette activité à la vie quotidienne. Un nombre d’étudiants ont également spontanément compilé les molécules sur un site Web de la classe.

Hormis un élève, tous ont su déterminer si la molécule était aromatique ou non.

Cette approche est intéressante, pas seulement pour étudier l’aromaticité chimique mais aussi pour découvrir de manière générale les molécules existantes dans la nature, rendant la chimie organique un peu plus réelle. Comportant 23 molécules aromatiques et 32 molécules non aromatiques (dérivés du terpène), l’ensemble de ces structures identifiées est évidemment une ressource intéressante. Même si certaines molécules sont répétées, c’est également une façon pour montrer que les molécules odorantes peuvent être présentes dans des différentes plantes. Il était intéressant de montrer que certaines molécules odorantes n’étaient pas chimiquement aromatiques. ( Exemple : dans leur travail, il y a 23 dérivés du terpène, d’après l’historique donné au préalable, au 19ème siècle, ces composés étaient des composés aromatiques mais en se basant sur la définition de l’aromaticité chimique, ils ne le sont pas). Par ailleurs, cette collection de molécules devient également une ressource pour l’instructeur, en devenant soit des exemples pour des expériences ultérieures ou pour des examens.

Un dernier avantage ce cette activité est de profiter de la structure de certaines molécules comme point de départ pour expliquer les principales réactions chimiques organiques (exemple : cinnalmaldéhyde).

Ce type d’activité peut être très utile pour intéresser les étudiants à la chimie en liant la théorie, l’histoire et surtout la vie quotidienne. Ceux- ci sont mis en activité dès le début de la leçon en recherchant une plante, en identifiant une molécule. De plus, ils doivent bien avoir assimilé la théorie sur la notion d’aromaticité chimique pour l’appliquer lors de l’évaluation de la structure de leur molécule.


1)
Règle de Huckel : « Un hydrocarbure est aromatique s'il est plan et s'il possède 4n + 2 électrons délocalisables dans un système cyclique, où n est un entier naturel.
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