teaching:biblio-10.1021-acs.jchemed.6b00417

Enquête sur le raisonnement des étudiants face aux réactions acidobasiques

Investigating Students’ Reasoning about Acid–Base Reactions Melanie M. Cooper, Hovig Kouyoumdjian, and Sonia M. Underwood, J. Chem. Educ., 2016, 93 (10), pp 1703–1712 DOI: 10.1021/acs.jchemed.6b00417 Résumé de S.C., 2016-2017

Les réactions acide-base représentent une matière importante en chimie. Si les étudiants comprennent ces réactions, ils auront les bases pour comprendre beaucoup d’autres réactions.

Pour comprendre comment les étudiants perçoivent ces réactions acide-base, une série d’évaluations a été mise sur pied pour que ceux-ci expriment leur compréhension du phénomène. Dans cet article on étudie les réponses des étudiants au travers trois grandes questions.

  • Comment les étudiants raisonnent par rapport aux réactions acide-base ?
  • Comment les questions affectent la nature des réponses ?
  • Dans quelles mesures le raisonnement est lié aux flèches indiquant le déplacement des charges ?

Des études ont déjà été menées pour déterminer les difficultés rencontrées par les étudiants lors de l’apprentissage des réactions acide-base. Certains ont des difficultés avec la mesure du pH, d’autres n’arrivent pas à bien distinguer une molécule d’un atome, ou d’un ion. Certains prennent des “raccourcis” pour établir un degré d’acidité et un inventaire de mauvaises conceptions de l’acidité a été dressé. Cependant l’article se consacre sur les réactions acide-base, et non sur les acides ou les bases.

Normalement après un cursus complet les étudiants doivent connaître les 3 modèles communs qui décrivent les réactions acide-base en chimie ; Arrhenius, Bronsted-Lowry et Lewis. Ces 3 modèles sont enseignés dans l’ordre Arrhenius > Bronsted-Lowry > Lewis. Si les étudiants ont compris Lewis, cela ouvre la porte à bon nombre d’autres réactions.

Souvent les jeunes étudiants cherchent des représentations pour comprendre les réactions acide-base alors qu’avec plus de réflexion ils devraient scientifiquement comprendre les modèles et leurs limitations. En passant d’Arrhenius à Bronsted on introduit le transfert de protons. Pour les étudiants on introduit les réactions en passant de sujet (acide, base) à un processus (réactions), et c’est là qu’est la difficulté. En passant de Bronsted à Lewis on reste dans les réactions acide-base, tout en nécessitant une meilleure compréhension (plus seulement le fait que le proton est transféré, mais comment). Certains avancent que les étudiants utilisant Lewis pour comprendre les réactions acide-base développeront plus de connaissances dans le domaine. Une autre raison de commencer au plus tôt l’apprentissage avec Lewis est que cela force rapidement à réfléchir et expliquer comment les réactions se produisent d’un point de vue mécanique.

En chimie organique, les raisonnements mécaniques sont normalement mis en forme avec des flèches indiquant le déplacement des charges. Même s’il s’agit d’un moyen très efficace, des études ont montré que la plupart des étudiants n’utilisent pas correctement les flèches. Ils mémorisent les représentations et ne réalisent pas la signification des flèches et leur potentiel. Par exemple beaucoup d’étudiants utilisent les flèches pour décrire le mouvement de l’atome d’hydrogène, et non l’attraction des électrons.

Pour déterminer le niveau de compréhension des étudiants dans les réactions acide-base, un canevas (ECD) a été mis en place. Pour utiliser cette approche il y a 4 grandes étapes :

  1. Définir le modèle, non seulement pour déterminer les connaissances, mais aussi la manière de raisonner.
  2. Décider des évidences qui permettent de mettre en lumière que l’étudiant comprenne ou pas.
  3. Définir les tâches et évaluer en montrant les évidences du point 2.
  4. Décider comment analyser les évidences évaluées en 3. Le but n’est pas d’avoir une réponse bonne ou mauvaise, mais un degré de sophistication de la réponse.

Deux groupes d’étudiants provenant de 2 universités ont été sélectionnés :

  • Groupe SP12 d’une université 1 en chimie générale (GC2) au printemps 2012 (121 étudiants).
  • Groupe SP15 d’une université 2 en chimie organique (OC2) au printemps 2015 (107 étudiants).

Pour SP12 une évaluation a été délivrée dans le cadre du cours, pour SP15 il s’agissait d’une évaluation optionnelle hors cadre du cours. Aucune différence significative n’a été perçue entre ceux ayant passé ou non l’évaluation.

Les 2 groupes ont suivi au second semestre le même programme avec les méthodes d’Arrhenius, de Bronsted-Lowry et de Lewis, et l’utilisation de flèches indiquant le déplacement des charges.

Les deux groupes ont été évalués en utilisant l’analyse Mann-Whitney pour déterminer leur score ACT, sans grande différence (ACT 28 pour SP12 contre ACT 26 pou SP15).

En ayant comparé les différences démographiques des 2 groupes et la proportion garçons/filles, et au vu des scores ACT (à l’avantage de SP12, mais SP15 est OC2, donc plus à l’aise avec la méthode de Lewis), les deux groupes représentent une bonne base de comparaison.

La réaction type a été présentée à SP12 en 2012 comme première itération d’une série d’expériences, au travers un questionnaire écrit en ligne (SurveyMonkey), à savoir une réaction acide-base entre H2O et HCl.

En analysant les réponses des étudiants, il est clairement apparu que les réponses décrivaient plutôt le “ce qui se passe”, et non le “comment et pourquoi”, pouvant mettre en évidence leur compréhension. Les étudiants expliquent que des atomes ont été réarrangés mais pas pourquoi. La manière de répondre des étudiants est cruciale et il faut récupérer un maximum d’information pour analyser leur compréhension. En établissant les questions il ne faut cependant pas donner trop d’information, ce qui aurait l’effet d’influencer, voire de fausser les résultats.

La même itération a été soumise en ligne à SP15 en 2015 avec beSocratic2, en demandant de considérer l’électronégativité, enlevant du sens à certaines réponses fournies par le groupe SP12. De plus une question couvrait l’utilisation de flèches indiquant le déplacement des charges.

Avant de soumettre le test au groupe SP15, 5 étudiants ont été interviewés pour s’assurer qu’ils avaient bien compris le sens des questions.

Les réponses ont été catégorisées dans le tableau 1, avec 3 groupes de réponses :

  • Description générale (non normative ou quoi)
  • Bronsted (quoi ou quoi et pourquoi)
  • Lewis (quoi et comment ou quoi, comment et pourquoi)

Un échantillon aléatoire de 20% des réponses a été pris dans les 3 groupes de réponses pour effectuer une analyse des relations conduisant à une valeur Kappa de 0.90. De plus le dessin avec les flèches a été analysé pour voir si elles étaient dans le bon sens, et si le mécanisme complet était correct (SP15 uniquement).

La plupart des étudiants ont reconnu la RAB (81% pour SP12 et 94% pour SP15).

  • Comment les étudiants raisonnent avec les RAB?
    • Peu d’étudiants ont fourni une réponse non normative. Les réponses générales décrivaient uniquement le quoi, sans indication du comment ni pourquoi. Dans Bronsted l’acide et la base étaient bien identifiés et la RAB décrite utilisant le modèle Bronsted, décrivant le quoi, sans pour autant expliquer le pourquoi et comment. Certains expliquaient les mécanismes tels que l’attraction ou interaction de charges partielles. Dans le groupe 3 (Lewis) des réponses décrivaient l’implication de la paire et de l’équilibre, d’autres en décrivant le quoi se produisant, ont décrit le pourquoi et comment utilisant Lewis.
  • Comment les questions affectent la nature des réponses ?
    • Dans la figure 4 on compare les réponses de SP12 et SP15 (voir figure 1 vs figure 2). Il est clair que les questions soumises à SP15 ont résulté à plus de réponses Lewis, et ce n’est pas surprenant avec beaucoup de descriptions générales (ou pas de réponses). Avec SP15 deux groupes sont apparus, ceux décrivant le quoi et ceux le pourquoi. Très peu d’étudiants n’ont pas répondu ou fournit une réponse non normative. Nous pensons que la manière de poser les questions à aidé (pour SP15) les étudiants à structurer leurs réponses et montrer leur raisonnement. Les résultats montrent clairement la différence alors que SP12 et SP15 sont comme décrit ci-dessus parfaitement comparables.
  • Dans quelles mesures le raisonnement dans les RAB est lié aux flèches indiquant le déplacement des charges ?
    • Pour SP15 les étudiants ont dû dessiner des flèches indiquant le déplacement des charges. Et les résultats ont été analysés pour voir si elles étaient dans le bon sens, et si le mécanisme complet était correct. Dans 97% des cas, quand la première flèche était correcte, le mécanisme complet était correct. La moitié des étudiants ont tenté de dessiner les flèches et 20-30% ont dessiné le mécanisme complet.

La tendance est claire : quand les étudiants passent de Bronsted à Lewis, ils ont 3 fois plus de chances de dessiner correctement le mécanisme.

L’étude a démontré les points suivants :

  1. La nature des questions a fortement influencé les types de réponses (quoi – comment - pourquoi).
  2. Les étudiants utilisant Lewis étaient plus à même de fournir le modèle correct en utilisant les flèches.
  3. Les étudiants avec une approche causale avaient plus de chances de construire le modèle correct en utilisant les flèches. De plus les étudiants utilisant Lewis étaient plus aptes à raisonner sur les réactions, et ne se limitaient pas à mémoriser des réactions avec des flèches “décoratives”. Les professeurs devraient considérer ce point dans leur enseignement.
  • Les RAB Lewis devraient être introduites déjà pour les étudiants en chimie générale (GC). Et si ce n’est pas le cas, au début du cursus de chimie organique (OC).
  • Une fois Lewis enseigné, les étudiants devraient être accompagnés pour fournir des explications du pourquoi des réactions, en apprenant par la même occasion l’utilisation des flèches.
  • Les instructeurs devraient bien penser à la structure des questions. Demander aux étudiants ce qu’ils pensent n’est pas suffisant si les questions ne sont pas structurées, apportant de la confusion. Attention que formuler trop de questions pourrait surestimer la compréhension que l’étudiant a.

Présentation synthétique

  • Les réactions acidobasiques représentent une matière importante en chimie. Si les étudiants comprennent ces réactions, ils auront les bases pour comprendre beaucoup d’autres réactions.
  • Au travers de l’étude, des évaluations ont été mises sur pied pour répondre à trois grandes questions.
    • Comment les étudiants raisonnent par rapport aux réactions acidobasiques ?
    • Comment la formulation des questions affectent la nature des réponses ?
    • Dans quelles mesures le raisonnement est lié aux flèches indiquant le déplacement des charges ?
  • Normalement après un un cursus complet, les étudiants doivent connaître les 3 modèles (Arrhenius, Bronsted-Lowry et Lewis) communs qui décrivent les réactions acidobasiques en chimie
  • Mais souvent les étudiants cherchent des moyens mnémotechniques ne réalisant pas l’importance de comprendre le fonctionnement d’une réaction acide-base.
  • L’apprentissage avec Lewis force rapidement à réfléchir et à expliquer comment les réactions se produisent d’un point de vue mécanique. Dans cet article, ils suggèrent de commencer l’apprentissage avec Lewis plus tôt.
  • En chimie organique, l’utilisation des flèches indiquant le déplacement des charges est un moyen efficace pour expliquer les raisonnements
  • Cependant des études ont montré que la plupart des étudiants ne les utilisent pas correctement
  • Pour déterminer le niveau de compréhension des étudiants dans les réactions acidobasiques, un canevas a été mis en place, comprenant 4 étapes
    • Définir un modèle pour déterminer les connaissances et la manière de raisonner
    • Décider des évidences montrant que l’étudiant a compris ou non
    • Pour montrer les évidences du point 2 il faut définir des tâches
    • Décider comment analyser les évidences et voir à quel point l’étudiant a compris
  • Deux groupes d’étudiants provenant de deux universités américaines ont été sélectionnés. Les deux groupes ont été évalués, et ont montré un même niveau
  • Suite à l’apprentissage des 3 modèles, le premier groupe a été évalué en 2012 sur les réactions acidobasiques
  • Il est clairement apparu que les réponses décrivaient plutôt le « ce qui se passe » au niveau des réactions, et non le « comment et pourquoi »
  • Ensuite un même test a été soumis au second groupe en 2015, en ajoutant certaines consignes (ex. considérer l’électronégativité), enlevant du sens à certaines réponses fournies par le premier groupe
  • La manière de répondre des étudiants est cruciale et il faut récupérer un maximum d’information pour analyser leur compréhension. En établissant les questions il ne faut cependant pas donner trop d’information, ce qui aurait l’effet d’influencer, voire de fausser les résultats.
  • Sur base des réponses (2015), 3 groupes d’étudiants ont été dégagés :
    • Groupe 1 : Description générale. Les réponses générales décrivaient uniquement le « quoi », sans indication du « comment » ni « pourquoi »
      • Exemple : l’acide réagit avec la base, l’acide donne un proton alors que la base accepte un proton
    • Groupe 2 : Les réponses décrivaient le quoi ou/et le pourquoi. Certains expliquaient les mécanismes tels que l’électronégativité
      • Exemple : L’oxygène est fortement électronégatif et attire le proton de l’hydrogène. L’hydrogène donne son électron au chlore pour que le proton soit donné à l’oxygène.
    • Groupe 3 : Ceux utilisant Lewis décrivaient l’implication du doublet électronique, et décrivaient également le « comment » et « pourquoi » (surtout second groupe en 2015)
      • Exemple : La paire d’électrons libres de la molécule d’eau attire l’hydrogène du HCl. La paire H-Cl est cassée et forme une nouvelle liaison avec l’oxygène. La réaction a lieu parce que la chargé négative partielle de l’oxygène attire la charge positive de l’hydrogène. La liaison entre l’oxygène et Cl est moins forte que la liaison formée entre l’hydrogène et l’oxygène.
  • Par rapport aux résultats de 2012 peu d’étudiants ont fourni une réponse non-normative
  • il s’avère que la manière de poser les questions a aidé les étudiants à structurer leurs réponses et montrer leur raisonnement.
  • La tendance est claire : quand les étudiants utilisent le modèle de Lewis à la place de celui de Bronsted,

ils ont 3 fois plus de chance de comprendre et de décrire correctement ce qui se passe.

L’étude a montré que :

  • La nature des questions a fortement influencé les types de réponses (quoi – comment - pourquoi)
  • Les étudiants utilisant Lewis étaient plus à même de répondre aux comment et au pourquoi pour les réactions acidobasiques, et étaient plus aptes à raisonner sur les réactions.
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  • Dernière modification : 2018/06/03 23:14
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