Prise de note personnelle lors de la conférence. La conférence étant destinée à un public général majoritairement constitué d'enseignants, l'orateur n'a pas inclus des références scientifiques précises.
Question posée souvent par les adolescents : “Á quoi ça sert ?”. Il y a des matières pour lesquelles la réponse n'est pas évidente (commenter un auteur, connaître la fonction des mitochondries, savoir pourquoi on utilise des logarithmes,…)
À l'heure actuelle (pacte d'excellence, unités d'acquis d'apprentissage), que choisir de faire acquérir par les jeunes générations ?
Les savoirs contribuent à la formation des individus, mais à condition de respecter une certaine manière.
Savoir = information sur le monde (des “faits”, comme “la somme des angles intérieurs d'un triangle = 180°”)
Ensemble de faits liés de manière organique (énoncés liés entre eux, relations logiques, de causalité) = discipline (géométrie, physique électrique, grammaire, histoire de x/y/z, géographie,…). Les savoirs ne sont plus isolés, ils sont liés à d'autres. Pour la somme des angles, on va voir aussi la raison pour laquelle c'est le cas (la somme vaut 180°). On sait pourquoi on a découvert l'Amérique (boussole, volonté de trouver un chemin nouveau vers l'orient,…). Avec les conséquences, cela forme un savoir. La même information peut être vue de manière isolée, ou dans un contexte explicatif.
Exemple en histoire/géographie : Rome est la capitale de l'Italie. Le simple fait est peu intéressant. Mais en parcourant l'histoire on peut voir en quoi cela a pu être problématique (cf. les autres capitales envisagées : Turin, Florence dans le cadre de l'Italie réunifiée).
Savoir comme information = énoncé isolé. Savoir explicatif : énoncés liés entre eux. La cohérence est un élément essentiel. C'est ce qui permet d'avoir un rôle explicatif.
À l'école, on peut enseigner les savoirs sous les 2 formes (isolés et explicatifs). Chacun trouve dans son expérience qu'il est plus facile d'enseigner des savoirs sous forme isolée → il suffit que les élèves apprennent par cœur ! Pour un savoir à expliquer, cela exige la compréhension, la capacité à faire des liens. Les énoncés qui sont les pièces du savoir explicatif sont, un par un, des éléments isolés. les élèves peuvent les prendre comme des listes, et pas comme un savoir organisé. La tentation est fréquente chez l'enseignant de faire une synthèse et de demander d'apprendre par cœur quelques phrases spécifiques. Autre tentation : poser des questions sur des savoirs mémorisés, et pas sur ce qui engage la compréhension du savoir. Ce mode d'évaluation factuel est plus facile à corriger, et aussi plus facile à défendre devant les élèves et les parents. Poser une question qui permet de savoir si l'élève a compris débouche souvent sur des réponses plus complexes, discutables. Cette façon de faire est cependant plus formatrice que des listes de savoirs.
La vison explicative est plus générale. On introduit un rapport à autrui plus important pour la société.
Si on demande des listes de savoirs, on demande d'acquiescer. L'élève est mis en position d'accepter sans discussion : quelque chose est vrai parce que l'enseignant l'a dit. Au contraire, le savoir explicatif demande une adhésion, une reconstruction du vrai. L'élève adhère non pas par obéissance, mais parce qu'il a compris !
Les savoirs scolaires sont utiles pour cette raison là. Pour que les élèves apprennent à comprendre. S'il s'agit juste de mémoriser, on est dans un régime d'obéissance, de croyance. Dans notre société, nous avons tout lieu d'avoir peur de ceux qui font passer leur croyance comme des savoirs. Mais le contraire est tout aussi négatif : faire passer des savoirs pour des croyances. Autre dérive : la confusion entre les savoirs et les opinions. Des élèves peuvent penser que les savoirs présentés par les enseignants sont des opinions. La contestation amène des élèves à dire qu'ils ne sont pas d'accord. C'est à ce moment un signe que le savoir n'a pas été correctement justifié. Le savoir est construit (ce n'est pas une opinion). il est soutenu par un certain nombre de preuves. L'opinion est soutenue par une expérience individuelle limitée.
L'école a tout à perdre à ne transmettre que des savoirs informatifs. De nombreux media le font beaucoup mieux, surtout actuellement (internet, vidéos sur le web,…). L'école n'est pas en mesure de rentrer en concurrence. Elle est par contre mieux placée pour expliquer comment et pourquoi le monde est ainsi. Même si cela existe aussi sur le web, l'accompagnement par le professeur remplit un rôle important. C'est ce qui est offert par l'école. Il n'y a pas d'autre institution permettant d'apporter cette aide.
L'intérêt du savoir explicatif, c'est qu'il habitue l'élève à comprendre que la valeur d'une affirmation ne dépend pas de celui qui la présente, mais de sa rationnalité, des explications (mais pas de l'éminence du statut de celui qui présente l'information). Les élèves ont le droit de penser par eux-même, et pas de devoir faire confiance aux autorités qui les entourent. L'école fera un bon travail si elle fait déjà cela. L'élève sera alors capable d'aller examiner tous les savoirs possibles. cette capacité est plus importante que la quantité des savoirs enseignés.
Comment mettre les élèves dans la situation de l'interrogation permanente ? N.B. : reconstruire les savoirs, c'est une activité trop ambitieuse dans son acception littérale, qui est plutôt à remplacer par “reparcourir les justifications des savoirs qui s'enchaînent les uns aux autres pour produire un savoir explicatif”.
Méthodes actives. Mettre en activité les élèves peut les conduire à n'effectuer que des observations, des constats, et à ne pas déboucher sur des questionnements. Ce n'est pas un objectif en soi. Mettre en “activité intellectuelle” est le plus important : créer les conditions pour qu'ils se posent et partagent un problème
Citation de Philippe Meirieu : commencer une leçon en créant l'énigme (NDLR : « créer l'énigme, faire du savoir une énigme susceptible de mobiliser le désir de l'apprenant… chercher à faire naître l'intérêt de l'élève en laissant entrevoir le plaisir de savoir sans livrer le secret de la connaissance… »). Quand on prépare une leçon, il faut préparer à l'apprentissage des savoirs, mais étonner les élèves en les amenant à s'interrgoger sur des faits.
Mais c'est ok bien sûr pour la mise en activité si elle conduit à une mise en interrogation.
Ne pas penser que les élèves feront les liens ultérieurement. Apprendre à reconnaître les éléments d'une fleur, ce n'est pas très intéressant par rapport à l'invocation du rôle de la floraison dans la reproduction, de l'intervention des insectes,…. sans nécessairement aller trop loin. Balayer la nécessité de donner le lien, ce n'est pas correct. Il faut donner au même moment des faits et des explications, même limitées, pas les “reporter à plus tard”.
Dans les interactions avec la classe, lors d'un dialogue, l'enseignant doit adopter un profil bas. Si un élève répond, l'enseignant peut valider ou invalider immédiatement la réponse. Il faut éviter de le faire, et différer la réponse : “qu'est ce qui te fait penser que c'est cela”, ou inviter les autres élèves à poser la question de la justification. L'enseignant doit adopter une position basse et pas une position haute, de maître. En cela la gestion de la classe peut avoir beaucoup d'importance.
Beaucoup de choses se jouent à travers les évaluations. Les élèves réfléchissent souvent de manière stratégique, en vue de la réussite arithmétique (obtenir la moyenne), pas de l'atteinte d'objectifs. Si on ne pose que des questions de type factuel, les élèves vont se focaliser sur un apprentissage par mémorisation. Si on demande plutôt d'expliquer, de justifier, alors on favorise une autre attitude chez les élèves.
Ce ne sont pas les contenus qui sont les plus importants dans l'enseignement. C'est la démarche de problématisation qui est la plus importante. Avec deux ou trois clics dans un moteur de recherche, on peut accéder à beaucoup de faits. On doit apprendre aux élèves qu'ils sont dignes d'apprendre à comprendre le monde.
Le sens de l'école. Deux citations :
1791 Nicolas de Condorcet (sur l'instruction publique) : « Le but de l'instruction n'est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l'apprécier et de la corriger. Il ne s'agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacun devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison. »
Philippe Meirieu : « Il faut aller à l'école pour pouvoir tenir tête à son père, apprendre à user de la raison pour pouvoir critiquer la tradition, découvrir le pouvoir libérateur des connaissances, se dégager de ses préjugés. »